L’orge dans le brassage : source d’amidon par excellence

L'orge dans le brassage : la source d'amidon par excellence

Pourquoi le brasseur a choisi l’orge dans le brassage de la bière ? Dans cet article nous te présentons l’orge, cette céréale particulière et ingrédient clé de la fabrication de la bière.

Nous allons voir que le grain d’orge renferme l’amidon et que l’ amylolyse, ou lyse de l’amidon est cette réaction de saccharification fondamentale en brasserie. Les sous-produits de cette dégradation de l’amidon seront consommés par la levure pour produire principalement l’alcool et le CO2 recherchés.

Et enfin, nous discuterons de la filière orge brassicole en France.

La bière peut être comparée au pain, elle naît de l’amidon et autres molécules primordiales que l’on trouve la plupart du temps dans les céréales, du travail de levures spécifiques, et d’un savoir faire artisanal ancien. C’est pourquoi, on parle parfois de « pain liquide ».

La bière peut être comparée au pain, elle naît de l’amidon et autres molécules primordiales que l’on trouve la plupart du temps dans les céréales, du travail de levures spécifiques, et d’un savoir faire artisanal ancien. C’est pourquoi, on parle parfois de “pain liquide”.
L’orge est le corps de la bière, l’eau en est le sang, le houblon en est l’âme, et la levure est à l’origine de son esprit.

Pourquoi l’orge est-elle utilisée pour le brassage?

Les céréales

Une céréale est une plante cultivée principalement pour ses grains (ce sont ses fruits) car ils sont utilisés en alimentation humaine et animale. La plupart du temps ils sont moulus sous forme de farine, mais peuvent aussi être utilisés en grains entiers. Ces plantes sont aussi parfois consommées par les animaux herbivores sous forme de fourrage.

Le terme « céréale » désigne aussi spécifiquement les grains de ces plantes.

Les principales céréales sont le riz, le maïs, le blé, l’orge, le seigle et l’avoine.

Comparaison des épis de différentes céréales : orge, blé, seigle
Comparaison des épis céréales: Épi d’orge, de blé, de seigle.

Au début du 21ème siècle, les céréales fournissent la majeure partie (45 %) des calories alimentaires de l’humanité. 

Leur nom vient du latin « cerealis », qui fait référence à Cérès, déesse romaine des moissons. 

En botanique, les céréales regroupent des plantes de la famille des Poacées (ou Graminées). Certaines graines d’autres familles botaniques sont parfois également appelées céréales, telles que le sarrasin (Polygonacées), le quinoa et l’amarante (Chénopodiacées) ou le sésame (Pédaliacées). Toutefois, n’étant pas des Poacées, ces dernières ne sont pas des céréales au sens strict, et on leur donne souvent le nom de « pseudo-céréales ».

Anatomie d’un grain d’orge

Dans le cycle de vie des « plantes à graines », appelées spermatophytes, la graine est la structure qui contient et protège l’embryon végétal. Elle est souvent contenue dans un fruit qui permet sa dissémination.

La graine permet ainsi à la plante d’échapper aux conditions d’un milieu devenu hostile soit en s’éloignant, soit en attendant le retour de circonstances favorables.

La graine ou « grain d’orge » que l’on utilise dans le brassage est formée, de l’extérieur vers l’intérieur, par :

  • une enveloppe protectrice nommée tégument. Cette enveloppe est adhérente au grain,
  • l’aleurone, fine membrane, qui entoure l’endosperme, où seront produites les enzymes durant la germination du grain (et donc pendant le maltage),
  • un tissu de réserves nutritives (l’endosperme) où se trouvent des granules d’amidon enfermées dans une matrice de protéines et,
  • l’embryon à partir duquel se développeront le germe et les racines.

Nous avons concocté pour toi, une recette de pâte à pizza à partir des drêches, les céréales qui ont été utilisées pendant ton brassage. Intéressé?


L’orge commune, Hordeum vulgare

L’orge commune (Hordeum vulgare) est une céréale à paille, plante herbacée annuelle de la famille des Poaceae. Elle se différencie du blé, par ses longues barbes. Elle fait partie des plus anciennes céréales cultivées, sa présence est attestée dans le Croissant fertile il y a près de 15000 ans.

On distingue l’orge d’hiver et l’orge de printemps en fonction des dates de leur semis. L’orge d’hiver est plus long à produire, il est plus résistant aux maladies mais ses rendements au champ sont meilleurs. Par contre la qualité brassicole de l’orge de printemps est bien meilleure.

Il existe des sous-espèces de l’orge commune. Ces sous espèces se distinguent principalement par le nombre d’épillets et donc de grains sur les épis (on parle de « rangs » :

  • L’orge à deux rangs ou Hordeum vulgare subsp.distichum ou paumelle,
  • L’orge à six rangs ou Hordeum vulgare subsp. hexastichum ou escourgeon.

Ainsi les brasseurs peuvent par exemple utiliser de l’orge 2RP, ce qui signifie « 2 rangs de printemps » ou de l’orge 6RH pour « 6 rangs d’hiver ».

épi d'orge à 2 rangs
Orge 2 rangs
épi d'orge à 6 rangs
Orge 6 rangs

Les grains de l’orge 2RP ont une taille plus importante que les grains de l’orge 6RH (vu qu’ils ont plus de place sur l’épi !) donc :
 –      le malt 2RP est décrit comme ayant une saveur plus douce/maltée,
–        le malt 2RP a une teneur en amidon plus élevée et une teneur en protéines plus faible

Les grains de l’orge 6RH sont peut-être plus petits mais ils sont plus nombreux sur une tête d’orge donc :
–        le pouvoir diastasique plus important que celui du malt 2RP.
–        il y a plus d’enveloppes pour le malt 6RH. La filtration sera meilleure mais par contre, côté saveur, cela signifie plus de tanins, de polyphénols et de protéines dans la bière.

La plupart du temps, le brasseur choisira un malt 2RP car c’est le plus facile à trouver et qu’il convient pour toutes les recettes. Les allemands par exemple ne brassent qu’avec du 2RP

Cependant, le choix du malt 6RH peut être retenu lorsqu’on brasse avec du seigle, de l’avoine, du sorgho ou du blé (source d’amidon supplémentaire mais pas de source d’enzymes). Vous aurez donc besoin d’un malt au fort pouvoir diastasique, comme peut l’être le malt 6RH.

Les brasseurs industriels utilisent beaucoup de 6RH surtout pour une histoire de prix. Ils apprécient son fort pouvoir diastasique qui compense l’utilisation de riz ou de maïs.

Le pouvoir diastasique ou pouvoir enzymatique mesure la capacité du malt à dégrader l’amidon en sucres fermentescibles.

Les caractères recherchés de l’orge pour le brassage

Si l’orge est la céréale préférée du brasseur, elle le doit à plusieurs de ses caractéristiques : 

  • Plante rustique et culture peu exigeante, dotée d’un bon rendement, résistante aux moisissures, elle pousse sous des latitudes variées,
  • Contrairement au blé, le grain d’orge est protégé par des enveloppes solides qui restent adhérentes (bonne conservation du grain, filtre efficace pendant le brassage, coloration plus intense lors du maltage). On parle de céréale vêtue ou de grains vêtus,
  • Sa germination est facile,
  • Le taux d’amidon y est important, ainsi que le complexe enzymatique qui assurera sa dégradation (on parle de pouvoir diastasique), il possède une bonne valeur nutritive,
  • Elle offre beaucoup de saveurs et de couleurs,
  • L’orge conserve relativement bien ses propriétés au cours du stockage.

Le mot Orge était autrefois masculin et féminin. Bossuet l’a fait masculin, l’Académie française le fait féminin. Quelques exceptions : l’orge mondé (grains d’orge qu’on a débarrassé de ses premières enveloppes), l’orge perlé (grains d’orge dont on a enlevé toutes les enveloppes et qu’on a réduit en petites boules farineuses), l’orge carré (escourgeon ou orge d’hiver à six rangs, également appelé  sucrion ou soucrillon). Rien ne justifie ce traitement différent…


L’amidon, molécule clé de l’orge pour le brassage

granules d'amidon vue en microscopie électronique dans une coupe de pomme de terre
Amidon pomme de terre

Tout d’abord, parlons de l’amidon. L’amidon est la molécule de réserve majoritaire des plantes. Cette macromolécule fournit de l’énergie nécessaire à la croissance et au développement des végétaux. Il se présente sous forme de grains visibles au microscope. L’adjectif relatif à l’amidon est « amylacé ».

Il s’agit d’un glucide complexe ou polysaccharide (on utilise également le terme polyoside, l’ose étant le nom scientifique des sucres).

L’amidon se trouve donc généralement dans l’organe de réserve des plantes : les graines (en particulier les céréales et les légumineuses), les racines, tubercules et rhizomes (pomme de terre, patate douce, manioc, etc.), certains fruits et diverses autres parties peuvent stocker des quantités significatives d’amidon.


L’amylolyse, réaction fondamentale en brasserie

L’amylolyse est une réaction biochimique fondamentale dans l’industrie de la bière. Il s’agit de la lyse (dégradation) de l’amidon. Cette réaction optimisée en brasserie, conduit à la fragmentation de l’amidon en sucres plus simples.

L’amylolyse est une réaction de saccharification. Les saccharifications sont les réactions biochimiques qui consistent à transformer les sucres complexes en sucres simples.

Pour aller plus loin : Tu souhaites mieux comprendre les enzymes? Toutes les réponses par ici. Nous te proposons également notre article qui décrit l’amylolyse ainsi que les paliers de température pendant l’empâtage?

La filière « Orge brassicole » en France

Les orges brassicoles ce sont les orges utilisées dans le brassage. Les orges brassicoles françaises ont de nombreux atouts à faire valoir mais les contraintes technico-économiques font parfois hésiter les producteurs au profit d’autres cultures (Dossier arvalis).

Rencontre : Bertrand le créateur de la ferme brasserie La Soyeuse nous explique comment il cultive son orge dans les monts du lyonnais.

Comment se situe la production française d’orge pour le brassage dans le marché mondial ?

Camp après récolte de l'orge brassicole
champ céréale brassage biere

La France produit 4 millions de tonnes d’orges brassicoles et en exporte 95 %. Elle est le deuxième intervenant, après l’Australie, sur un marché mondial de 25 Mt dont 12 Mt sont produites en Europe.
La moitié de la production française est constituée d’orges d’hiver à six rangs, l’autre moitié d’orge de printemps à deux rangs. Les orges brassicoles françaises sont mondialement reconnues pour leur qualité et l’organisation de leur filière. Très structurée, celle-ci favorise la réponse aux demandes des acheteurs, dans le cadre du respect du cahier des charges : au moins 90 % de grains supérieurs à 2,5 mm et 9,5 à 11,5 % de protéines. Ce n’est pas un hasard si les trois premiers malteurs mondiaux sont français. D’autre part, la France est le seul pays au monde à produire de l’orge à six rangs, particulièrement adaptée aux marchés des pays tiers.

L’expression « être grossier comme du pain d’orge » signifie être vraiment très très grossier. Maurice, tu pousses le bouchon un peu trop loin!

A quels types de contraintes les producteurs sont-ils confrontés ?

Néanmoins, les 4 Mt d’orges destinées aux malteries correspondent en fait à une production potentielle de 6 Mt dont près de 2 Mt sont déclassées chaque année en orges fourragères. Quelle que soit la zone de culture, les contraintes de production deviennent plus nombreuses. 

epi d'orge au coucher de soleil

Dans des systèmes colza-blé-orge, en cultures simplifiées, les difficultés de désherbage sont de plus en plus présentes. Toutefois, malgré ces difficultés, l’orge d’hiver reste rentable en dehors des aléas climatiques exceptionnels. 
De son côté, l’orge brassicole de printemps peut faire espérer des revenus un peu plus élevés avec un cours supérieur et de moindres charges opérationnelles.

Les brasseurs deviennent agriculteurs ou les agriculteurs deviennent brasseurs, peu importe, le résultat est la production de bières avec une meilleure connaissance des matières utilisées, une réduction de l’empreinte carbone. 

Logo de la brasserie la bière des loups à Chaussan (69)
La brasserie La bière des Loups à Chaussan dans la Rhône
Logo de la brasserie La Soyeuse à Rontalon (69)
La ferme brasserie La Soyeuse à Rontalon, également dans le Rhône
Logo de la brasserie les bières Busard (69)
La ferme de la Quintillière à Saint Maurice sur Dargoire
toujours dans le Rhône

La pérennité des orges de brasseries est-elle assurée à long terme ?

botte de paille au coucher de soleil après récolte de l'orge de brassage

Face à cette conduite de culture délicate, les outils d’aide à la décision se développent. Ils visent à gérer plus précisément la fertilisation azotée et le pilotage des traitements fongicides. 
Des marges de progrès sont à rechercher du côté de la sélection variétale qui avance sur la question des rendements et de la tolérance aux maladies. Les travaux sur la résistance à la sécheresse devraient apporter de nouvelles solutions. 
L’orge d’hiver est une culture précoce. Le réchauffement climatique pourrait augmenter la fréquence des récoltes précoces et ouvrir la possibilité d’une troisième culture en deux ans, en implantant du soja par exemple. Le semis d’orges de printemps à l’automne est une autre piste à étudier. Il faudra profiter de toutes les opportunités.

A lire aussi   Les clés pour débuter le brassage amateur

Pour savoir plus sur la sélection des orges de brasserie et les variétés actuellement disponibles sur le marché.

Les indiens d'amazonie produisent des bières au manioc

Les peuples de la forêt tropicale d’Amérique du Sud, produisent une grande variété de bières à base de manioc. Celles-ci sont nommées « cachiri » ou « chicha », ce qui signifie qu’elles se transforment grâce à la salive. En effet, la mastication assure la dégradation de l’amidon, grâce aux enzymes présentes dans la salive.


Les bières dans le monde, d’où provient l’amidon ?

Cependant, si l’orge a été retenue en Europe, en Amérique du Nord et en Australie, l’amidon peut provenir d’autres céréales (blé, riz, maïs, sorgho, mil, sarrasin), de racines (manioc), de tubercules (pommes de terre, igname, patate douce) et de fruits amylacés (banane plantain, fuit à pain, châtaigne). Nous nous sommes appuyées sur le livre « Toutes les bières moussent-elles? » pour illustrer cet article.

Les bières dans le monde ne sont pas toutes brassées avec de l'orge comme source d'amidon

Le saké, boisson traditionnelle du japon, est en fait une bière. Elle est produite à partir de céréales fermentées! Oui, oui! Elle titre de 10 à 20° d’alcool, ce qui la classe parmi les bières les plus fortes du monde. Le saké est transparent, la mousse est absente, l’odeur est piquante, acide. La fabrication part d’un riz étuvé séché mis à fermenter. La décoloration est obtenue par passage sur du charbon actif.


Petit brasseur, où en es-tu?

En résumé, nous avons présenté dans cet article pourquoi l’orge est très souvent utilisée dans le brassage, en tant que source d’amidon. Divers caractères en font la céréale préférée du brasseur. La molécule clé du brassage : l’amidon. Cette molécule est abondamment présente dans l’endosperme des grains d’orge.

Différents malts d'orge pour le brassage

Mais l’orge ne sera pas utilisée telle qu’elle dans le brassage, elle doit encore subir une étape de maltage. L’orge utilisée pour le brassage est ainsi la plupart du temps de l’orge maltée. Tu peux lire cet article sur le malt pour en savoir plus. Le malt obtenu donnera à la bière sa couleur, sa texture, sa mousse, une partie importante de son goût.

Si tu as encore des interrogations sur l’orge utilisée pour le brassage ou sur l’amidon et sa dégradation, n’hésite pas à nous laisser un commentaire.

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12 Comments on “L’orge dans le brassage : source d’amidon par excellence

  1. C’est vrai que c’est technique mais c’est expliqué de façon claire ! Hâte de lire la suite sur le maltage. Ce serait intéressant d’avoir des interviews de brasseurs avec pourquoi pas une visite sur place pour qu’on se rende mieux compte du matériel utilisé, des techniques, de leurs spécificités, voir même des astuces de brasseurs sans trahir leur secret 😉

    • L’article sur le maltage est en préparation! Nous voulons présenter les ingrédients puis ferons un focus sur le matériel pour débuter dans le brassage. Nous rentrerons ensuite dans le vif du sujet!! Les vidéos arriveront rapidement, nous avons un tas d’experts à vous présenter (il faut nous laisser le temps de dompter la caméra ;-). Merci pour ta fidélité!!

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