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Une bière est une boisson gazeuse qui se caractérise donc par sa splendide mousse…
Ou pas… Car en effet, toutes les bières ne sont pas dotées de la même mousse. Ceci peut être lié au style de la bière, mais peut également être un artefact de brassage. Il n’est pas toujours facile d’obtenir ce qu’on veut quand on brasse sa bière… Il est important de connaître les facteurs qui influencent les caractères que l’on souhaite apporter, et il faut savoir les travailler.
Nous allons d’abord nous intéresser à la mousse en tant que telle. Qu’est-ce que c’est? Comment se forme-t-elle? A quoi sert-elle? Nous donnerons ensuite quelques pistes de travail aux brasseurs en herbe soucieux de faire mousser leurs bières. Nous verrons également que le service au verre pourra participer à la création de la mousse.
Cet article entre dans la catégorie « Questions de lecteur », et cette fois-ci, c’est Lucia qui nous a contacté pour connaître quels sont les facteurs qui influencent la qualité de la mousse pendant le brassage. Bonne lecture!
La mousse, c’est quoi?
Contrairement aux autres boissons gazeuses (soda, eau gazeuse), la bière se caractérise par une forte teneur en protéines.
Et comme tu le sais déjà, les levures ont un rôle important dans le processus de création de la bière. En effet, au cours de la fermentation, les levures consomment les sucres fermentescibles pour les transformer en alcool et en gaz carbonique (et un peu d’autres composés aussi). Le dioxyde de carbone (CO2) également appelé gaz carbonique est, comme son nom l’indique… un gaz. Son apparition dans la bière crée des bulles visibles à l’œil nu, qui cherchent à s’échapper de la bière.
Cependant, lors de leur cheminement vers la surface de la bière, les bulles vont se charger en protéines contenues en plus ou moins grande quantité dans la bière. Ces protéines ont un rôle agglutinant. A la surface, les bulles vont donc s’agglomérer et rester en surface plutôt que d’éclater et libérer le gaz comme c’est le cas avec un soda par exemple.
Cependant, l’absence de mousse dans la bière peut être, dans certains cas, normale. C’est notamment le cas dans certaines bières particulières : une bière vieillie en fûts de chêne, les bières très fortes en alcool, ou les bières acides qui peineront davantage à développer ou maintenir une mousse digne de ce nom.
Ainsi, on se rend vite compte qu’il n’existe pas UNE mais DES mousses! Une bière peut être effervescente, mousseuse ou à l’inverse plate. La couleur de la mousse peut passer de l’ivoire, au beige, sable, rouge rosé, voire brun auburn! Les bulles seront tantôt petites et homogènes, tantôt disparates et grossières. La mousse s’estompera rapidement ou persistera tout le temps de la dégustation. Son passage sur le verre pourra laisser ou non une « dentelle ».
Pourquoi la mousse se forme quand on décapsule la bière?
La mousse est générée grâce au gaz carbonique présent dans la bière. La création de ce gaz est appelé la carbonatation et elle répond à la loi de Henry. Par extension, la carbonatation représente la quantité de CO2 dissout dans un litre de bière, à 20°C et à pression atmosphérique.
Il faut savoir qu’il existe deux principales méthodes de travail pour carbonater la bière. Il peut s’agit d’une carbonatation naturelle (comme c’est le cas pour la plupart des bières artisanales) ou d’une carbonatation forcée (souvent pour les bières industrielles).
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Une carbonatation naturelle
Une première fermentation est réalisée dans un fermenteur équipé d’un système d’évacuation des gaz de type barboteur. Le moût se charge en alcool mais les gaz s’échappent.
Avant l’embouteillage, le brasseur ajoute un sirop de sucre dans le moût afin de produire une nouvelle fermentation en bouteille. Que s’y passe t’il?
Les levures restées en suspension dans votre bière vont consommer ce sucre. Cette étape va permettre la production d’alcool mais surtout du dioxyde de carbone (CO2). Cette production de gaz va augmenter la pression dans la bouteille. Or celle-ci est hermétiquement fermée. C’est à ce moment qu’on sait si toutes les capsules sont correctement mises 😉. Le CO2 va donc être dissous dans le corps de la bière. Lors de l’ouverture de la capsule, la pression diminue et le gaz cherche à s’échapper (formation de mousse).
Une carbonatation forcée
Quand on pense à « carbonatation forcée », on pense souvent à « bière industrielle ».
Après la fermentation, les bières industrielles sont placées quelques semaines en garde pour permettre la maturation de la bière. Puis ces bières seront filtrées à nouveau avant d’être mises en bouteilles ou en fûts. Ceci signifie que les levures sont totalement éliminées du produit final. Ceci permet d’avoir notamment des produits limpides et stables dans le temps.
Mais! Comment procèdent-ils pour créer les bulles et la mousse??
Kronenbourg, dans cette vidéo nous dévoile que le CO2 produit pendant la fermentation originelle est récupéré puis réinjecté avant l’embouteillage. Cependant il est courant que l’ajout de CO2 soit effectué à partir de gaz carbonique en bouteilles. On parle de carbonatation forcée ou non naturelle.
Le brasseur amateur pourra, lui aussi, s’il le souhaite, obtenir une carbonatation forcée en s’équipant de kegs et de cartouches à CO2.
A quoi sert la mousse?
La mousse c’est beau, c’est classe, mais pas seulement! La mousse a aussi une utilité très intéressante!
Comme vous l’avez sûrement deviné la mousse va créer une barrière naturelle entre votre bière et le méchant oxygène de l’atmosphère. C’est-à-dire que l’épaisseur de la mousse va permettre une meilleure conservation des arômes, des saveurs, des flaveurs, de la texture de votre bière. On dit d’ailleurs que les flaveurs sont jusqu’à sept fois plus concentrées dans la mousse que dans la bière! Et c’est pour ça que votre bière sent bon!
La mousse, et plus particulièrement la libération du CO2 qui la génère, a un autre intérêt. En effet, la quantité du gaz présent dans le corps de la bière est petit à petit réduit. Et pour ceci ton estomac te remercie !
Petit brasseur, que peux-tu faire pour obtenir une mousse épaisse et onctueuse?
Le brasseur possède plusieurs pistes de travail pour ajuster la mousse dans ces créations.
Tout d’abord, la première astuce, qui n’en est pas vraiment une, c’est de bien vérifier que ton matériel ne comporte plus aucunes traces de produits détergents. La plupart des produits de nettoyage et désinfection sont sans rinçage aujourd’hui. Tu peux relire l’article sur comment éviter les contaminations. Les éventuels résidus de ces produits ne vont pas altérer la qualité de la bière mais la mousse en sera grandement affectée… Les produits détergents sont des corps gras (reporte-toi à l’astuce n°5). Ça prend 10 secondes supplémentaires, rince ton matériel!
Astuce n°1 – Bien choisir ses malts
Plus il y aura de sucres fermentescibles dans ta bière, plus ta levure pourra consommer et fabriquer du CO2. Ainsi le choix de l’orge et de ses malts est important.
Opte pour des malts avec un fort pouvoir diastasique.
Kézaco? Le pouvoir diastasique indique la capacité du malt à produire les enzymes responsable de la dégradration de l’amidon. Les malts avec un fort pouvoir diastasique sont essentiellement les malts de base, mais aussi les malts fumés, les malts diastasiques ou les malts de blé (évite les malts touraillés ou torréfiées qui ont un faible pouvoir diastasique).
Astuce n°2 – Maîtriser sa température d’empâtage
Oui, il est important d’avoir des sucres fermentescibles, comme évoqué dans l’astuce n°1. Mais il ne faut pas, pour autant, faire l’impasse sur les sucres non fermentescibles (ceux que la levure n’est pas en capacité de réduire). En effet ces sucres résiduels apporteront de la rondeur à la bière, un goût sucré/moelleux, une onctuosité. La viscosité de ces bières denses améliore la tenue de la mousse!
Il faudra donc jouer sur les paliers de températures lors de l’empâtage.
On ne le redira jamais assez mais, pour un brasseur même amateur, il est primordial de maîtriser ses températures lors de l’empâtage pour pouvoir maîtriser le travail des enzymes.
Rappelez-vous que la bêta amylase favorise l’apparition des sucres fermentescibles et sera donc à l’origine de l’alcoolisation de ta bière. Sa température optimale d’activité est à 62°C (60-65°C).
Quant à l’alpha amylase, elle va produire des sucres non fermentescibles nécessaire à la rondeur de ta bière. Sa température optimale d’activité est de 70°C (68-75°C).
Astuce n°3 – Ajouter des protéines à ton moût
Comme tu le sais, l’orge est un des ingrédients phare dans la fabrication de la bière. Il est transformé en malt afin de rendre accessible une partie des molécules dont auront besoin les levures dans la suite du processus de fabrication.
Mais le brasseur peut également additionner à sa cuve d’empâtage d’autres céréales que l’orge (malt de blé, d’avoine, de seigle) ou des céréales non maltées.
Celles-ci, en plus d’apporter des flaveurs particulières, sont intéressantes pour l’apport de leurs protéines. Elles jouent donc un rôle essentiel dans la tenue de la mousse. Attention, ces céréales vont également apporter un trouble dans la bière (on en reparle dans l’astuce n°4).
Il ne faut pas trop apporter de ces céréales au brassin non plus. Le blé n’a pas d’enveloppe autour de son grain (contrairement à l’orge). Le gâteau de céréales réalisé afin d’assurer la filtration du moût, n’est plus aussi efficace. De nombreuses particules fines ne sont pas retenues comme elles le devraient (ça colmate!!).
En parlant de filtration, connais-tu cette technique qui peux améliorer grandement ta filtration et donc ton rendement en sucres ? 👇
Astuce n°4 – Ne pas réaliser de palier protéolytique pendant l’empâtage
Vers 45-50°C, les protéines du malt non solubles se transforment en acides aminés, par l’action combinée de l’eau et des enzymes (protéinases et peptidases) qui sont réactivées. Ce palier est souvent utilisé lorsque l’on veut obtenir une bière limpide (éviter le trouble, la haze).
Mais comme on l’a vu précédemment, les protéines sont indispensables à la bonne tenue de la mousse de la bière! Si tu veux une bonne mousse, il va falloir accepter un peu de turbidité dans ta bière… Et donc ne pas réaliser ce palier de température protéolytique!
Astuce n°5 – Éviter l’ajout de corps gras dans la bière
Il faut aussi savoir que les corps gras ont un effet négatif sur la mousse. Ainsi les bières brassées avec de la noix, au chocolat, au lait de coco ou à la noix de coco râpée, au sésame par exemple, ont peu de mousse… Les lipides diminuent la tension de surface des bulles, ce qui augmente le risque d’éclatement.
Astuce n°6 – Apporter beaucoup d’iso-humulones
…en choisissant un houblon riche en acide alpha
Plus il y aura d’acides alpha dans la bière, plus ta mousse sera onctueuse. L’acide alpha réagit avec certaines protéines pour soutenir la mousse. Ainsi, si le choix se porte sur un houblon amérisant donc fortement doté en acide alpha, tu donnes déjà une longueur d’avance à la mousse que ta bière produira.
Si tu as besoin de te remémorer ce que sont les acides alpha, tu peux relire nos articles sur le houblon 👇
La mousse de la bière est très amère car les produits du houblon y sont concentrés. Les acides alpha ainsi que les tanins jouent également un rôle important dans la stabilité de cette mousse. Celle-ci pourrait être altérée si ton houblon est trop âgé ou mal conservé.
…en ajoutant beaucoup de houblon riche en acides alpha
Choisir un houblon adéquat c’est bien, en choisir beaucoup c’est mieux. Plus la quantité d’iso-humulone présente dans le moût sera importante, plus la tenue de la mousse sera bonne!
Astuce n°7 – Créer une ébullition franche et longue
Cette astuce découle de la précédente, après avoir choisi un houblon riche en acides alpha, il faut lui donner la possibilité de libérer un maximum de ses iso-humulones.
Les acides alpha sont insolubles et peu amers. Ils commencent à se disperser dans le moût au bout de quelques minutes d’ébullition mais leur pouvoir amérisant n’est pleinement libéré qu’au bout de la quarante cinquième minutes. Ils subissent une isomérisation pour devenir solubles et apporter l’amertume au moût.
Ce sont l’humulone, la cohumulone, l’adhumulone, l’iso-humulone, qui apportent chacune une amertume différente et sont importantes pour stabiliser la mousse correctement.
Une bonne période d’ébullition va de 60 à 90 minutes. Moins longtemps et les iso-humulones ne sont pas assez ou correctement isomérisées. Trop longtemps et tu risques d’obtenir certains goûts supplémentaires non recherchés et pas forcément bons dans ta bière.
Astuce n°8 – Réaliser une bonne fermentation
La mousse provient de la quantité de CO2 produite. Et le CO2 est directement issu du travail de la levure. Une des étapes la plus importantes dans la fabrication de votre bière est donc la fermentation.
Pour mener une bonne fermentation, il convient d’utiliser une levure en bon état de viabilité. En général une levure sèche perd 20% de sa population par an si elle est conservée à température ambiante (plus s’il s’agit d’une levure sous forme liquide). Je ne peux donc que te conseiller de conserver tes levures au frais, et de les utiliser avec une date de péremption maîtrisée…
De plus, le taux d’inoculation correspond à la quantité de cellules de levures que l’on additionne au moût pour réaliser la fermentation. Ainsi, si ce taux n’est pas suffisant, la fermentation ne sera pas optimale. En anglais on parle d’underpitching.
En général, on demande au brasseur de bière de fermentation haute (ale) de respecter les chiffres suivants : 0.75 à 1 million de cellules de levures par millilitre de moût et par degré Plato.
On t’explique tout sur le taux d’ensemencement idéal
dans notre formation sur les levures et la fermentation 👇
Et ensuite le paramètre le plus important sera de maîtriser la température de fermentation. Il n’est pas toujours aisé de respecter ce paramètres dans la durée. N’hésite pas à consulter notre article sur le sujet 👇
Astuce n°9 – Réaliser une bonne carbonatation
Comme nous l’avons vu un peu plus haut dans cette article, la carbonatation est le processus qui permet de dissoudre le CO2 dans le corps de la bière. Plus la carbonatation est bonne, plus la quantité de CO2 est importante.
Dans le brassage amateur, la carbonatation est obtenue par ajout de sucre avant la mise en bouteilles. Il faut bien évidemment s’être préalablement assuré que la fermentation était terminée, sans quoi…
Cette étape, tout comme celle de la fermentation, peut être assez critique pour le résultat final. Ce qui est en jeu, c’est :
- la présence ou non de bulles dans la bière (c’est pas bon une bière sans bulles), si l’ajout de sucre n’est pas assez élevé
- le risque de voir exploser ses bouteilles avant leur ouverture ou de voir votre bouteille se vider à son ouverture (surmoussage ou gushing) si l’ajout est excédentaire.
Plus la quantité de sucre ajoutée sera élevée, plus la quantité d’alcool et de CO2 le seront également.
Plus d’infos sur le sucre dans le brassage dans cet article 👇
Astuce n°10 – Ajouter du CO2 et/ou de l’azote
Tu n’es pas sans connaître l’onctuosité de la Guinness à la pression dans les bars… Un secret? Cette dernière est poussée à l’azote! Thomas nous révèle quelques infos par ici et par ici aussi!
Petit brasseur, tu as des tuyaux mousse pour nous?
Tu t’es déjà intéressé à la question « mousse » lors de tes brassages précédents? Tu as sûrement des informations à compléter, des essais à partager ou des idées supplémentaires pour améliorer cet article! A ton clavier!
Je viens de te montrer 10 astuces pour obtenir une splendide mousse. Tu auras peut-être du mal à toutes les appliquer. Alors voici mon conseil : commence par appliquer simplement le conseil n°3. Et tu verras la différence.
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A très vite
One Comment on “Une bière qui mousse”
Waouh!! Quel article!!! Une vraie mine d’or 👏🏻Bravo à toi 😊
Jessica