Mes amies les levures

Mes amies les levures

Les levures sont un des ingrédients phare de la fabrication de la bière. Souvenez-vous nous avions déjà présenté l’eau, l’orge, et plus particulièrement le malt, et enfin le houblon. Voici le quatrième ingrédient miracle, sans qui la bière ne pourrait être produite.

Bonne lecture.


Les levures, c’est quoi?

Tout d’abord, il faut savoir que les levures sont des champignons microscopiques, responsable du processus appelé la fermentation alcoolique. C’est-à-dire, qu’à partir du moût sucré obtenu par infusion des céréales à chaud, les levures produisent de l’alcool et du dioxyde de carbone. Ça, c’est l’explication simplifiée, en réalité le processus est un peu plus complexe et fait intervenir d’autres composés, mais nous verrons ceci un peu plus tard.

Elles sont naturellement présentes dans nos environnements et sont donc parfois responsables de fermentation spontanée. C’est le cas, quand des aliments sont laissés trop longtemps en dehors du frigo par exemple.

Le pain, le vin ou la bière sont obtenus grâce au travail des levures. L’homme n’a pas tout de suite compris le rôle de la levure dans la fabrication de ces aliments et boissons. C’est ainsi, que pendant des millénaires, il a laissé les levures sauvages effectuer le travail, sans même soupçonner leur existence.

Puis Louis Pasteur mettant son nez dans cette histoire en 1857, les brasseurs ont pu petit à petit mieux comprendre la fermentation.

Aujourd’hui, les levures de bière sont conditionnées sous vide, sous forme sèche ou liquide. Ainsi le brasseur maîtrise la qualité et quantité de cellules qu’il « ensemence » dans le moût.


Avant d’aller plus loin

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Les différentes levures brassicoles

Il existe de nombreuses espèces mais seules Saccharomyces cerevisiae et Saccharomyces pastorianus (parfois appelée carlbergensis) sont utilisées pour fabriquer la bière. L’une produit les bières de fermentation haute, les ales, et l’autre les bières de fermentation basse, les lagers.

Parmi ces espèces, on distingue ensuite plusieurs souches de levures qui vont avoir des spécificités propres (atténuation, floculation, profil aromatique, température de travail…).

Les levures de fermentation basse

Les lagers ou bières de fermentation basse sont les bières les plus répandues dans le monde. Le secret de la fabrication de ces bières sont les levures utilisées.

Saccharomyces pastorianus se dépose au fond de la cuve durant la fermentation (d’où le nom de fermentation basse).

Ces levures sont plus actives à basse température généralement entre 8 et 13°C. La fermentation est de ce fait lente (2 à 5 jours) avec une garde à froid de 6 à 12 jours (= le lagering) qui va permettre une réabsorption de sous-produits de fermentation non recherchés, notamment les acétaldhéhydes et les diacétyles.

Lager bière de fermentation basse
Lager, bière de fermentation basse

Les levures de fermentation haute

Au contraire, Saccharomyces cerevisiae produit une fermentation haute. Les levures montent à la surface du moût et flottent durant la fermentation. Ce type de fermentation est rapide (1 à 3 jours) et facile à obtenir en brassage amateur, car une grande partie du process se réalise à température ambiante (en moyenne, entre 18 et 24°C). Ces températures permettent aux levures de produire de nombreux composés aromatiques (les esters). Le temps de maturation ( = ou de garde) est aussi beaucoup plus court (4 à 8 jours).

Les bières produites, les ales, sont beaucoup plus goûteuses que les lagers (malts, houblons, esters). Elles sont produites dès le Moyen Age car, quand elles sont peu alcoolisée, elles offrent une bonne alternative à l’eau souvent contaminée à cette époque.

Ale, bière de fermentation haute
Ale, bière de fermentation haute

Levures sous forme sèche vs liquide

Si on s’intéresse au format, on apprend que les levures pour brasser sa bière sont proposées dans le commerce, conditionnées sous forme liquide ou forme sèche (les levures sont déshydratées).

Levures sèches

Les levures déshydratées sont facile à l’emploi, bon marché et se conservent plus longtemps. On les saupoudre parfois directement dans le moût, mais il est préférable de les réhydrater avant ensemencement. Les fabricants les plus connus sont Fermentis, Lallemand et Mangrove Jacks.

Réhydrater la levure lui donne l’opportunité d’être dans un bon état de non-stress! La levure se “réveille” doucement de son état de dormance, dans des conditions de températures adéquates, sans apport nutritionnel et donc sans avoir besoin de se mettre au travail tout de suite. Ne pas réhydrater la levure peut conduire à la mort de presque la moitié de la population… Certains  fabricants de levures préconisent de les jeter directement dans le moût pour faciliter l’utilisation de leurs sachets (concurrence battles : ils cherchent à proposer au marché les levures les plus faciles d’utilisation)!

Pour en savoir plus sur nos préconisations de réhydratation, vous pouvez lire notre tuto pour fabriquer une bière à l’ortie.

Levures liquides

L’utilisation de levures liquides est plus compliquée car elle nécessite parfois la préparation d’un pied de cuve ou levain. De plus ce format de levures est plus onéreux et la conservation moins longue. Elles doivent être utilisées dans les 4 à 6 mois après l’achat. Cependant, pour pouvoir obtenir certains styles de bières, les levures liquides vous donneront de meilleurs résultats. Les fabricants les plus connus sont les américains Wyeast et White Labs.

Wyeast conditionne ses levures liquides dans des « Smack-Packs ». Il contient un sachet à l’intérieur que vous devez éclater (coup de poing) pour libérer les nutriments et donc activer votre culture. L’emballage va gonfler ce qui vous indique que tout fonctionne à merveille. Il ne reste plus qu’à ouvrir et verser la solution dans votre moût.

La tolérance à l’alcool

La plupart des souches de levures supportent un taux d’alcool d’environ 8% mais certaines peuvent aller jusqu’à 12 voir même 14%. Vérifiez bien que votre souche est capable de le supporter, si vous voulez brasser une bière à taux d’alcool élevé. Les souches pour bières belges sont réputées pour leur résistance à l’éthanol.


La conservation des levures

De manière inéluctable, la viabilité des levures diminuent naturellement au cours du temps. Pour cela, la température est un facteur déterminant. En effet, plus votre levure est conservée à une température élevée, plus la viabilité décroît rapidement.

Ainsi, une levure sèche conservée à 24°C va perdre 20% de viabilité par an, à 3°C elle en perdra 3%. Il est donc préférable de conserver vos levures au frais. Cependant, ne paniquez pas si vous avez oublié votre sachet quelques jours sur l’étagère… Il faut une année à 24°C pour perdre seulement 1/5 de la population.

Par contre, une population de levure liquide va perdre 25% de sa viabilité par mois à 2°C. Il est donc nécessaire d’utiliser vos levures dans les 4 à 6 mois suivant son achat ET de les conserver au frigo, au risque de ne plus avoir une seule petit levure encore en vie…


Les levures, ça fonctionne comment?

Un peu de vocabulaire

  • L’inoculation ou l’ensemencement est le fait d’introduire délibérément ou non, un micro-organisme vivant dans un environnement. Dans notre cas, nous inoculons nos levures, pré-sélectionnées, dans notre moût. Le brasseur ensemence son moût. La fermentation débute à partir de l’inoculation.
  • La floculation est la capacité de la souche de levure à sédimenter en fond de cuve. En effet, les levures ne floculent pas toutes de la même manière. Plus le taux de floculation est élevé, plus la bière sera limpide.
  • La fermentabilité d’un moût correspond à la proportion de sucres fermentescibles dans la totalité des sucres.
  • L’atténuation mesure le pourcentage de sucres fermentescibles qui a été converti. Au cours de la fermentation, la densité aura diminué d’un certain pourcentage par rapport à sa valeur initiale. Ce pourcentage correspond à l’atténuation. Un taux de 100% correspond à une souche de levure qui aura converti la totalité des sucres disponibles. Att (%) = 100 x (DI – DF) / (DI – 1). Les facteurs qui influencent l’atténuation sont la température de fermentation, le taux d’inoculation (quantité de levures présentes à l’inoculation), la souche le levure utilisée, la vitalité et viabilité de la levure
  • La lie est le sédiment de levures en fond de cuve.
  • Le kraüsen est le nom donné à la couche plus ou moins épaisse de bulles créée par la levure en phase de croissance exponentielle. Visible au dessus du niveau du liquide, elle est composée de levures très actives. Sa présence est un signe du bon déroulement de la fermentation
  • La viabilité, c’est le pourcentage de levures vivantes au sein d’une population de levures.
Couche de levure en fond de fermenteur
Couche de levure en fond de fermenteur

Avec cette couche de levure de fond de fermenteur, tu as la possibilité de fabriquer du pain!


Qu’est-ce que la fermentation alcoolique ?

La bière ne serait pas ce qu’elle est sans la fermentation. En effet, c’est une des étapes clés de la fabrication de la bière, si ce n’est pas L’Etape clé ! La fermentation alcoolique est le processus par lequel les levures transforment le moût sucré en bière.

L’hygiène devient primordiale après la fin de l’ébullition. Le moût est maintenant un milieu de culture idéal pour les micro-organismes. Mais seules les levures pré-sélectionnées par le brasseur doivent coloniser le moût pour obtenir de la bonne bière. Les conseils pour éviter les contaminations sont par ici 😉

Les levures ont la particularité d’avoir deux modes de fonctionnement définis par son environnement :

  • en présence d’oxygène (voie aérobie), elle pratique la respiration ;
  • en absence d’oxygène (voie anaérobie), ce sera la fermentation alcoolique.

La levure s’accommode très bien de la présence ou de l’absence d’oxygène pour la synthèse de son énergie, elle est dite « aérobie-anaérobie facultative ».

Dans notre moût, les levures se mettent automatiquement en mode « fermentation alcoolique » car elles ont un métabolisme preférentiellement fermentaire (cela s’appelle l’effet Crabtree). Et tant mieux pour nous!

Elles vont consommer le sucre présent dans le moût et produire principalement de l’alcool et du gaz carbonique.

C6H12O6 –> 2 C2H5OH + 2 CO2 + énergie

Durant la fermentation, du dioxyde de carbone (le CO2) est produit en masse. C’est la raison pour laquelle il est essentiel de placer un barboteur sur le fermenteur… Pour éviter qu’il n’explose! Et ce barboteur doit être rempli avec de l’eau stérile.

Pour en savoir plus sur la chimie de la fermentation.


Quelles sont les étapes de la fermentation?

La fermentation se décompose en 3 phases principales (lag ou adaptative, exponentielle ou atténuative puis stationnaire ou maturation), s’ensuit une refermentation en bouteilles, puis une maturation de la bière. Pendant toutes ces phases, la température du moût est un facteur déterminant du bon déroulé de la fermentation.

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La fermentation primaire = phase adaptative + phase atténuative

Après l’ensemencement, la levure s’ajuste aux nouvelles conditions de son environnement. Elle change son métabolisme en réponse à la présence des sucres et autres nutriments du moût. Elle régule sa production d’enzymes.

A lire aussi   Qui sont les malts de base ?

C’est la phase où la levure utilise ses réserves de glycogène et lipides pour produire les stérols et acides gras essentiels à la synthèse de nouvelles membranes cellulaires. La levure commence ensuite à consommer les sucres et FAN (Free Amino Nitrogen) pour sa croissance.

Cette phase dure de 3 à 24 heures après l’ensemencement de votre moût. Cependant, il n’y a aucune activité visible dans le fermenteur. En apparence, il ne se passe rien!

L’étape suivante est la phase atténuative. Pendant cette phase, les levures vont se multiplier et produire des sous-produits de fermentation recherchés (comme les esters, phénols…), et d’autres non recherchés (comme les diacétyles, les acétaldéhydes,…).

Cette phase se caractérise par une forte activité visible dans votre fermenteur: le kraüsen apparaît. Il s’agit d’une couche plus ou moins épaisse de bulles créée par les levures. Visible au dessus du niveau du liquide, elle est composée de levures très actives. Sa présence est un signe du bon déroulement de la fermentation.

Krausen visible pendant la phase exponentielle de la fermentation primaire
kraüsen à la surface du moût dans le fermenteur

A la fin de la phase atténuative, les sucres et les nutriments commencent à se faire rares, ce qui a pour conséquence le ralentissement de l’accroissement de la population (entrée en phase de maturation aussi appelé fermentation secondaire).

La fermentation secondaire = phase de maturation ou garde

La phase de maturation débute en général entre 3 et 5 jours après l’ensemencement (3 jours pour les ales, 5 jours pour les lagers). Cette phase se caractérise par une forte baisse de l’activité visible de votre levure dans le fermenteur. L’épaisseur du kraüsen diminue voire disparaît totalement. L’émission de gaz carbonique ralentit (#apuglouglou). L’accroissement du nombre de cellules n’est plus significatif.

Pendant cette phase, les levures en manque de nutriments vont réabsorber les sous-produits de fermentation indésirables dans notre bière finale (diacétyles et acétaldéhydes). Cette phase est donc déterminante pour le profil aromatique final de la bière.

En général, cette maturation dure 4 à 8 jours pour les ales et 6 à 12 jours pour les lagers.

Tu cherches à fabriquer une strong beer ? Tu sais ces bières qui sont très alcoolisées… Consulte notre article : Obtenir une bière forte en alcool, tu ne vas pas être déçu!

La refermentation en bouteilles

A la fin de cette fermentation secondaire, la densité ne bouge plus et la bière est prête à être transférée du fermenteur vers un contenant provisoire. C’est le soutirage ou transfert. Cette étape se réalise avec un tuyau afin de limiter le contact de la bière avec l’air (risque d’oxygénation) et sans soulever le dépôt en fond de fermenteur.

Pour que la bière atteigne un bon niveau de carbonatation, elle doit être resucrée pour relancer la fermentation. Dans ce contenant provisoire, une solution de sucre fermentescible ou d’extrait de malt dissout, est additionnée. Une délicate homogénéisation permet de s’assurer que l’intégralité des bouteilles recevra la même quantité de sucre.

Le brasseur met ensuite la bière en bouteilles (embouteillage) puis procède à la capsulation. Certains brasseurs préfèrent le fût mais cette technique plus coûteuse, nécessite plus de matériel. Une nouvelle fermentation s’opère, petit à petit l’oxygène est remplacé par le gaz carbonique. La pression monte à l’intérieur des bouteilles et le gaz carbonique se dissout dans la bière (création des bulles). C’est la carbonatation. Il est conseillé de laisser les bouteilles à 20°C pendant 2 semaines.

Embouteillage

Après ces 2 semaines, les bouteilles peuvent être conservés dans un endroit plus frais, mais la levure ne s’arrêtera pas là. Les saveurs de votre bière vont continuer à évoluer, à se complexifier. Soyez patient !

Pour aller plus loin sur la fermentation, tu as la possibilité de consulter notre FAQ fermentation ou notre article pour t’aider à contrôler la température de fermentation. Enfin notre test du densimètre connecté l’i-Spindle. Qu’attends-tu pour aller y jeter?


Petit brasseur, où en es-tu?

Sans levures, pas d’alcool, pas de gaz carbonique donc pas de bière (snif)!

La fermentation de la bière est un sujet extrêmement vaste dont je n’ai pas pu aborder tous les tenants et aboutissants ici. Je vous prépare de ce pas un article sur les questions fréquentes que nous pouvons nous poser concernant la fermentation. Parce que oui, on nous en pose déjà quelques unes (pain sur la planche)!

Ce qu’il faut retenir c’est le caractère primordial de la maîtrise de la température lors de la fermentation. Si tu arrives à maintenir ce paramètre constant, tu as déjà fait le premier pas pour l’obtention d’une bonne bière.

Et toi, comment procèdes-tu pour tes fermentations? Tu as des astuces à partager avec nous?

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A très vite,

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7 Comments on “Mes amies les levures

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  7. C’est intéressant de voir comment la température affecte le processus de fermentation et le goût de la bière. Je ne savais pas que les lagers nécessitaient des températures plus basses et que la fermentation était plus lente. Merci pour cette explication claire et concise !

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