Passer d'amateur de mousse à brasseur avisé
L’eau est le principal ingrédient utilisé dans la fabrication de la bière. En effet, la bière contient 90 à 95% d’eau. Il est donc primordial de s’y intéresser ! Elle influera sur la couleur, sur le goût, sur les réactions biochimiques qui vont avoir lieu.
Chaque expérimentation de brassage comporte son lot de surprises. Le résultat est lié aux bonnes pratiques du brasseur bien sûr, mais aussi à la fiabilité de son matériel (précision des paliers de températures par exemple), à son environnement (contaminants potentiels), un peu à la chance parfois mais avant tout à la qualité des matières premières qu’il va utiliser.
Mais l’eau que le brasseur utilise n’est pas seulement une matière première. Nous allons développer ici tout ce qu’il faut savoir sur l’eau nécessaire pour le brassage de la bière.
À la fin du 19ème siècle, 8 brasseries étaient installées au cœur du massif alpin attirées par la qualité de l’eau, pour la fabrication et la proximité des glaciers. En été, la Brasserie du Mont-Blanc produit plus de 4 000 hectolitres de boisson fermentée, contre 150 hectolitres en Automne. La cave de garde avec ses tanks en acier vitrifié est maintenue à 0° par la récupération de la glace de l’étang en bord d’Arve. Quand les hivers ne sont pas assez froids, les brasseurs vont alors chercher la glace aux pieds des Glaciers du Bionnassay ou celui des Bossons. Une quarantaine de brasseurs y travaillent. Mais la Brasserie stoppa toute activité en 1966.
C’est en cherchant une source d’eau pure qui permettrait de produire une bière de qualité, que Sylvain Chiron, porteur du gène de l’entrepreneuriat, redécouvre dans sa Savoie natale, une vieille marque oubliée : «la bière du Mont-Blanc». L’histoire renaît… En 1999, la Brasserie du Mont-Blanc s’installe à la Motte-Servolex au cœur de la Savoie et produit les «bières du Mont-Blanc», bières authentiques, bières de caractères, bière de qualité, bières de dégustation brassées à l’eau des glaciers du Mont-Blanc.
Dans de nombreuses applications industrielles et pour la consommation humaine, l’eau doit présenter certaines caractéristiques. Selon l’époque ou le pays, les critères pris en compte diffèrent. Cependant, les paramètres fréquemment réglementés pour la potabilité sont :
Les contaminations potentiellement présentes dans l’eau que l’on veut rendre potable, peuvent provenir du réseau de distribution de l’eau lui-même (corrosion de métaux), de fuites qui créent des points d’entrée dans le réseau, de résidus de désinfectants, d’une contamination par des microorganismes indésirables, de pesticides, etc.
Le chlore est un puissant oxydant, qui agit par dégradation des matières organiques. Dans le monde, 80% des eaux de distribution sont traitées par le chlore.
Les pouvoirs publics souhaitent que la teneur en « chlore libre résiduel » soit limitée à 0,1 mg/litre. Ceci permet de garantir une eau saine aux consommateurs et plus spécifiquement aux populations les plus sensibles, telles que les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées
Pour vous faire une idée plus précise, cela revient à dire que l’on utilise une goutte de chlore pour le contenu d’environ 5 baignoires (1 000 litres).
L’eau acheminée jusque dans nos habitations peut parfois être qualifiée, par les consommateurs, comme ayant un « goût de javel ». Cela est dû au chlore qui se lie aux matières organiques pour les éliminer. De cette réaction naissent ce que l’on nomme les sous-produits de la chloration (SPC) qui participent à ce goût que l’on peut retrouver de temps à autre.
Ce goût n’est pas dangereux pour la santé. De nombreuses études épidémiologiques, effectuées notamment aux États-Unis et au Canada, ont cherché à déterminer les effets du chlore sur notre santé. Il en résulte, que l’action de désinfecter avec des produits chlorés n’a pas d’incidence néfaste sur notre santé.
Mais qu’en est-il de l’eau utilisée pour le brassage? Cette petite astuce ne peut être mise en œuvre sur une grande quantité d’eau… Le chlore et ses sous-produits ont-ils des interactions néfastes avec le procédé de fabrication de la bière?
L’eau utilisée pour le brassage d’une bière rentre dans la composition finale de celle-ci (ingrédient majeur). Il est commun de dire qu’il faut 1,7 litre d’eau pour produire 1 litre de bière. Mais l’eau est également indispensable au brasseur pour les opérations de nettoyage et de refroidissement. Si ces paramètres sont pris en compte, la quantité totale d’eau nécessaire à la fabrication d’un litre de bière, augmente significativement pour atteindre 5 à 6 litres d’eau.
Et il semble cohérent de penser qu’un brasseur débutant pourra avoir des besoins en eau supérieurs (optimisation non adéquate)…
Et c’est là, que mourut la planète dans d’atroces souffrances…
Pensez bien à réduire au maximum tout l’usage que vous faites de votre eau : optimisez, réutilisez, ne gaspillez pas, pensez l’eau intelligemment. Merci pour elle 😉
Revenons à nos moutons : La qualité de l’eau de brassage.
L’eau de brassage permet au malt et aux houblons de libérer leurs sucres, arômes et parfums. Les sels minéraux présents ou non dans l’eau vont avoir une influence directe sur le goût de la bière. Ceux-ci jouent un rôle sur le pH du moût, agissent sur les actions des enzymes lors des réactions biochimiques comme l’amylolyse (ou fragmentation de l’amidon en sucres fermentescibles ou non), agissent lors de l’ébullition du moût pour favoriser les l’isomérisation des résines amères du houblon ou pour permettre la coagulation des protéines, etc, etc…
Si tu te poses des questions très pratiques sur l’utilisation de l’eau pendant ton empâtage, tu peux consulter notre foire aux questions empâtage.
L’eau de brassage doit donc :
Le pH ou potentiel d’hydrogène est une mesure de l’activité chimique des ions hydrogène. Plus vulgairement, le pH mesure l’acidité ou la basicité d’une solution. Ainsi, dans un milieu aqueux à 25°C :
Le pH est mesure grâce à un pH-mètre qui indique la valeur du pH obtenu, ou par utilisation de papier pH qui indique une couleur que l’on compare à un référentiel.
En général, on considère que le pH de l’eau :
Les malts colorés (grillés ou torréfiés), apportent naturellement l’acidité nécessaire pour atteindre ce pH relativement bas nécessaire à la fermentation. Mais il est vrai que si l’eau utilisée est très alcaline, il va être difficile d’atteindre ce pH…
L’eau dure est une eau chargée en ions calcium et magnésium, responsable de la formation du calcaire. La dureté ou titre hydrotimétrique (TH) s’exprime en ppm m/V (ou mg/L) de carbonate de calcium CaCO3 ou en degrés français (symbole °f ou °fH) en France.
Une eau est dite dure quand son titre hydrotimétrique (TH), est supérieur à 15 °f (1°f correspond à 10 milligrammes de calcaire). Par opposition, une eau qui comporte peu de calcaire est dite « adoucie » :
Selon la région, l’eau n’a pas la même teneur en calcaire. En effet, dans le Massif Central, l’eau est naturellement douce alors que dans le Nord ou dans les Alpes, l’eau a tendance à être très dure !
Lorsque l’eau de brassage ne contient que des bicarbonates de calcium, en l’absence de sulfates ou de chlorures, elle est toujours alcalinisante et requiert une correction acidifiante (effet sur le pH).
Les ions fer Fe2+ ou Fe3+ ou cuivre Cu+ ou Cu3+ favorisent les réactions d’oxydation (combinaison avec l’oxygène) qui font apparaître des composés non voulus. La rouille est le résultat d’une oxydation du fer par exemple.
Ainsi, la présence de fer en coprécipitant avec les polyphénols, donnera un goût métallique (altération de la saveur de la bière) et un aspect trouble et rougeâtre (changement de sa couleur). Une eau ferrugineuse va également teinter la levure et augmenter la sensibilité de la bière au froid.
Quant au cuivre, savez-vous qu’au potager, nous utilisons de la bouillie bordelaise notamment pour lutter contre le mildiou? Cette poudre bleue composée de cuivre a des propriétés fongicides connues de longue date. Le cuivre, en excès dans l’eau, aura donc des effets toxiques sur la levure de notre brassage. RIP
Si sa concentration ne dépasse pas 100 ppm (parties par million), le calcium aura des effets positifs sur la saccharification, sur la clarification du moût et sur la floculation des levures. Il participe également à la stabilité de la bière.
Le sodium et le potassium ont un effet de stimulation du goût. A une concentration de plus de 10 ppm, ils donnent un goût salé qui n’est généralement pas recherché. Mais le sodium va également avoir des effets sur la rondeur de la bière. Une bière ronde par opposition à une bière sèche, est dense, a un goût généreux et moelleux.
Les ions chlorures intensifient le parfum de la bière. Mais si le chlore joue un rôle antibactérien (voir paragraphe ci-dessus), il risque de former des chlorophénols , responsables de faux goûts (saveurs inopportunes apparues dans une bière).
Les ions sulfates donneront un effet de sécheresse tout en augmentant l’amertume. Ils sont utilisés pour réduire le pH du moût.
Il est déjà important de rappeler que la plupart des eaux du réseau de distribution sont tout à fait convenables pour brasser de bonnes bières, ne cherchez pas de difficultés où il n’y en a pas!
Cependant, il peut être intéressant de consulter la qualité de votre eau. Tous les ans, l’ARS ou agence régionale de Santé, envoie un bilan de la qualité de l’eau distribuée pendant cette année écoulée. Je vous joins pour exemple, un courrier datant de 2017 pour la région vendéenne : ARS Bilan qualité de l’eau 2017 – La Roche Sur Yon. Il semblerait que BeerSmith propose un logiciel sur lequel on entre son profil d’eau en lien avec son rapport d’analyse. Après sélection de la cible que nous souhaitons atteindre, celui-ci nous proposerait des quantités de sels minéraux à ajouter. En savez-vous un peu plus sur ce sujet?
Si tu as besoin d’un coup de main pour choisir la technique d’empâtage qui te convient, consulte : 3 méthodes d’empâtage/filtration.
Avez-vous une idée de la quantité d’eau que vous utilisez pour produire votre bière? Nous nous engageons à évaluer ce chiffre lors de notre prochain brassage, nous partagerons les résultats avec vous…
Quelles sont les étapes où vous pensez pouvoir réduire vos besoins en eau (nettoyage, rinçage des drêches, refroidissement)?
De notre côté, nous expérimenterons dans les prochaines semaines, un refroidissement sans utilisation d’eau et nous testerons la fabrication de deux bières ayant pour seule différence l’eau utilisée. Y aura-t’il un impact réel sur la couleur, la saveur, l’odeur? Restez en contact pour en savoir un peu plus 😉
Voilà, ce petit article est terminé pour aujourd’hui, n’hésitez pas à relire l’article, et à poser vos questions ou donner votre avis en commentaire ! Et n’oubliez pas de partager l’article ! 🙂
Très complet cet article ! J’ai hâte de lire les résultats des essais de refroidissement sans eau et de lire les différences organoleptiques qu’il peut y avoir entre 2 bières brassées avec des eaux différentes !
Bonjour,
Merci pour cet article enrichissant !!!
ça ma donné envie de faire un calcul de ma consommation en eau pour mes brassins de 20L à la maison. Et c’est pas terrible : tout compris environ 130L !!!!! C’est le refroidissement par serpentin qui me double cette utilisation d’eau (70L pour atteindre 20°C).
Je crois que je vais investir dans un récupérateur d’eau, je ferai la vaisselle avec mon eau de refroidissement :-).
Salut Thomas, ouais pas terrible le refroidissement on est nombreux dans ce cas… Bien joué pour la récupération, il faut avoir la place pour stocker l’eau mais l’idée est très bonne, tiens nous au courant!
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